À l’heure où les défis sociaux et écologiques s’imposent aux acteurs économiques, comment réussir à concilier performance et prise en compte de ces enjeux ? La mesure de la performance extra-financière des entreprises vise à dépasser la seule logique de rentabilité monétaire pour intégrer d’autres indicateurs fondés sur l’humain et la nature. L’approche de la comptabilité « en triple capital » ouvre des perspectives intéressantes pour développer une approche de performance économique globale, plus respectueuse du vivant.
Les spécialistes de la RSE le savent bien : ils sont toujours attendus au tournant de la performance. C’est bien la RSE, mais est-ce que c’est rentable ? Dans un récent épisode du podcast, nous avons passé en revue – pour mieux leur tordre le cou -, les principales idées reçues sur la responsabilité sociétale des entreprises. Elles sont nombreuses, du traditionnel et spontané « c’est compliqué, ça coûte cher, c’est pour les grandes entreprises… », en passant par un argument souvent entendu : « ce n’est que le com’ ». Avec Anne-Laure Simon, experte RSE de l’Agence Déclic, nous avons décortiqué ces affirmations, à la fois pour en comprendre l’origine et leur apporter des réponses concrètes. En matière de performance, nous avons mentionné l’étude de France Stratégies, publiée en 2016, qui démontrait que « la RSE procure un gain de performance en moyenne de l’ordre de 13 % par rapport aux entreprises qui ne l’introduisent pas (toutes choses égales par ailleurs), en particulier quand elle relève de l’initiative volontaire et non de mesures contraignantes ».
Mais force est de constater que la mesure de la performance fait débat. Quels indicateurs retenir ? L’analyse micro-économique privilégie depuis des décennies les indicateurs financiers classiques pour mesurer la rentabilité d’une entreprise. L’examen du cash-flow, de l’Ebitda, du résultat d’exploitation et du résultat net, instruments clés de la comptabilité ne doivent évidemment pas être négligés. Nécessaires, sont-ils pour autant suffisants à rendre compte de la performance globale d’une entreprise ou d’une organisation ? Que disent-ils en effet, des interactions sociales, du lien avec l’environnement, du respect des parties prenantes ?
Mesurer l’impact
C’est pour tenter d’intégrer ces dimensions non financières dans l’analyse de la performance que se développent, non sans difficulté, de nombreuses initiatives pour imaginer un système d’évaluation plus global. « Le défi principal pour développer les entreprises à impact, c’est celui de la mesure, il n’est pas encore résolu », soulignait Cécile Leclair, la directrice générale de l’Avise, le portail du développement de l’économie sociale et solidaire, lors des premières Universités d’été de l’économie de demain organisées par le Mouves à Paris en septembre dernier. Tout l’enjeu consiste en effet à s’intégrer dans les schémas d’analyse traditionnels pour les compléter et les articuler avec des indicateurs d’impact non financiers.
Pionnier dans cette réflexion, Jacques Richard, expert-comptable et professeur à Paris Dauphine, a inventé en 2012 la méthode Care (Comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement). Derrière cet acronyme, une idée simple et révolutionnaire : ajouter, en complément de l’analyse du capital financier, celle du capital humain et du capital naturel. Cette approche dite de « triple capital » vise à traiter, avec les outils de la comptabilité, les deux autres capitaux impliqués dans toute activité économique : le capital humain, c’est-à-dire à la mobilisation du travail, et le capital naturel, qui recouvre l’exploitation des ressources et mesure l’impact de l’activité sur les milieux environnementaux.
Dette écologique
Comment fonctionne la méthode Care ? « Elle restructure le bilan comptable en mettant ces trois capitaux au passif. Le capital financier représente la somme d’argent que les actionnaires de l’entreprise mettent à sa disposition afin qu’elle réalise du profit. L’objectif est bien évidemment la non dégradation de ce capital. C’est la même logique qui s’applique alors aux capitaux humain et naturel », peut-on lire sur le site du Guide des experts-comptables, qui lui consacre un article détaillé. Apparait ainsi l’idée d’un écosystème dont dispose l’entreprise pour créer de la valeur. Comme pour le capital financier qu’il convient de faire fructifier pour pouvoir financer les investissements à venir, le capital humain et le capital naturel ne doivent pas être dégradés pour pouvoir contribuer à la performance globale de l’entreprise. La méthode Care introduit donc l’idée d’une dette écologique, qui, comme la dette financière doit être pilotée dans la durée. Plus cette dette écologique est faible, et plus l’entreprise sera considérée comme performante. Ces travaux sont actuellement développés par le chercheur Alexandre Rambaud, maître de conférences à AgroParisTech chercheur associé à l’Université Paris-Dauphine.
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Si vous aussi, dans votre entreprise ou votre organisation, vous mettez en œuvre la méthode CARE ou réfléchissez à une comptabilité en triple capital, n’hésitez pas à partager votre expérience en laissant un commentaire sous cet article ou en nous adressant un message.