La transition passe (beaucoup) par la régulation

La transition passe (beaucoup) par la régulation

C’est un constat assez frappant : depuis le début de la crise, les collectivités locales sont en première ligne, de manière très concrète, pour proposer des solutions adaptées au contexte économique et sanitaire inédit que nous connaissons. Les appels aux élus locaux se multiplient, notamment en Bretagne, pour les inciter à encourager la transition par des accompagnements financiers éco-conditionnés. Ce qui implique la mise en œuvre de véritables outils de régulation qui pour l’instant font défaut.

L’information n’a pas fait les gros titres, la semaine dernière, sans doute assimilée à une énième pétition en faveur d’un « monde d’après » qui tend à s’éloigner à la vitesse ou le monde d’avant reprend ses droits. En Bretagne, quatre associations environnementales et solidaires ont décidé de joindre leurs forces pour s’adresser aux « élues et élus » du territoire en appelant de leurs vœux « une Bretagne résiliente, solidaire et vivante face aux crises ».
La Fédération Bretagne Nature Environnement, le Réseau Bretagne Solidaire, le Pacte Finance-Climat européen, Bretagne et le Réseau Cohérence ont donc choisi de s’adresser directement aux représentants des collectivités territoriales (communes, intercommunalités, départements, région), persuadés qu’il s’agit là du levier pertinent pour agir concrètement face à la crise qui vient. L’enjeu est de taille, alors que le conseil régional de Bretagne, par exemple, vient de débloquer plus de 141 millions d’aides nouvelles pour les entreprises et les associations, ou que chaque territoire s’emploie à chercher des solutions pour tenter d’atténuer le choc économique sans précédent qui s’annonce.

« Les collectivités locales sont des témoins et des acteurs des réalités territoriales, proches des populations, de leurs conditions et de leur cadre de vie. Votre action permet dans les moments difficiles, comme ceux que nous traversons, d’assurer un indispensable service aux populations », écrivent les signataires, qui s’adressent aux élus pour leur « demander de dire NON à une relance sans contreparties ».

Eco-conditionnalité des aides

Contreparties, le (gros) mot est lâché. Encore appelé éco-conditionnalité des aides, le principe est simple et consiste à subordonner l’octroi d’aides publiques au respect d’un certain nombre d’engagements, dans le domaine économique et social, mais aussi environnemental. Ainsi, « les aides financières à la relance doivent aller à une économie réelle sobre en gaz à effet de serre et en énergie, riche en emplois durables et rémunérés équitablement, respectueux des droits humains, dans nos territoires, en Europe, comme dans les pays avec lesquels nous commerçons. Elles doivent développer notre autonomie à travers une démarche forte de relocalisation des productions comme des consommations », écrivent les signataires de la lettre.

Mais concrètement, comment faire ? Certaines collectivités ont déjà donné le la, parfois un peu dans l’urgence. Pour encourager l’économie circulaire et la consommation de produits locaux, le conseil régional de Bretagne a notamment lancé une plateforme de mise en réseau des producteurs et des consommateurs de produits locaux, qui comptait début juin près de 52.000 consommateurs et 1570 producteurs inscrits.

Cette entrée par l’alimentation, dans une région agroalimentaire de premier plan, est susceptible de faire bouger les lignes, explique Jean-Luc Le Toullec, président de France Nature Environnement Bretagne : « elle est très intéressante pour la transition, et les collectivités locales ont un rôle prescripteur majeur de repas bios et locaux, via les cantines scolaires, la restauration dans les hôpitaux, les maisons de retraites, etc., qui permet d’assurer des déboucher dans la durée aux producteurs », explique-t-il, en ajoutant que « c’est vraiment le moment de ne pas mettre l’argent public n’importe où ».

Nouvelles grilles d’analyse

Conscient que cette transformation ne va pas de soi, les signataires de la lettre aux élus bretons les encouragent également à se doter de nouvelles grilles d’analyse et de pilotage des chantiers, en s’inspirant par exemple des Objectifs de Développement Durable ou en « se dotant d’autres boussoles que le PIB ». Et les nombreux acteurs réunis dans cette démarche se déclarent prêts à « oser la coopération » à travers des « fabriques de transition », à l’échelle régionale et locale.

Car on le voit très concrètement depuis quelques semaines, les initiatives prises souvent dans l’urgence bousculent les habitudes et suscitent des réactions contrastées. C’est notamment le cas dans le domaine des mobilités, avec l’explosion des aménagements temporaires en faveur des cyclistes, notamment à Rennes, qui font grincer des dents chez les automobilistes. Les élus sont également confrontés à des injonctions paradoxales, qui les conduisent à vouloir sauver l’emploi local, quitte à différer des engagements en matière environnementale, par exemple. C’est toute la difficulté du temps, alors même, comme le rappelle le climatologue Jean Jouzel, qui fait partie des signataires de l’appel aux élus bretons, que les objectifs de réduction des émissions de CO2 à l’échelle planétaire impliquent des changements de comportements drastiques, dont le confinement forcé de ces dernières semaines n’a été qu’un pâle avant-goût.

Il faudra pouvoir se doter d’instruments de mesure des engagements pris, sous peine d’assister à une vaste opération de greenwashing sans portée véritable.

Droit d’expérimentation

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